Une carrière en exploitation n'est pas spécialement le lieu idéal pour une promenade dominicale en famille. Difficilement compréhensible, cette initiative du beau-frère, qui vous a ainsi entraîné jusque devant la grille de cette exploitation, sur le bord d'une départementale ou jamais personne ne passe. Charmant endroit : des tas de graviers, un bulldozer un peu rouillé, quelques jeunes peupliers qui poussent au sommet de murailles de sable d'une dizaine de mètres de hauteur. Curieuses, d'ailleurs, ces murailles : elles sont perforées de dizaines de petits trous de quelques centimètres de hauteur. Lapins ? Votre beau-frère rigole en douce devant cette hypothèse.

L'ambiance est assez étrange, c'est vrai. Des Hirondelles volent partout, un Coucou essaie, par son chant, de couvrir les élucubrations du Loriot. Des Fauvettes grésillent sur chaque buisson, dont les fleurs résonnent de milliers d'insectes tout juste éclos en ce début de mois de juin. On se croirait presque en Afrique… D'ailleurs, ces appels, doux et graves, qui résonnent de temps à autres dans le lointain, ne ressemblent-ils pas à ceux des oiseaux tropicaux ? Mais au fait, d'où sortent-ils, ces appels ?

D'abord, il n'y a eu qu'une flèche multicolore, traversant rapidement le ciel. Puis une deuxième, qui s'attarde un peu plus. Une troisième… Cinq ou six Guêpiers sillonnent désormais le ciel. Curieux oiseaux aux ailes triangulaires, et à la queue pointue, qui vont et viennent en criant. Vous ne savez plus vraiment où vous êtes : le Guêpier n'a vraiment rien d'un oiseau Européen : ses ailes, mélange de rouge sombre et de jaune d'or ; le bleu clair du dessous qui prend presque une teinte verte sur fond de ciel… En voilà un qui se pose, à une vingtaine de mètres, une Libellule dans le bec

Les Guêpiers sont là depuis deux semaine, à peine. Seules les premières chaleurs de mi-mai les ont décidé à monter enfin vers leur colonie. Les couples sont déjà formés, et visitent leur propriété : pourtant, ils la connaissent bien, cette carrière : ça fait des années qu'ils y viennent. Mais comme d'habitude, tout a changé : le bulldozer a encore ratissé les terriers de l'an passé, il va falloir recreuser. Forer un tunnel d'un bon mètre de profondeur, qui protège efficacement les 6 œufs des dangers de l'extérieur, ainsi que la femelle, qui va couver pendant 3 semaines

Les éclosions ont eu lieu, comme d'habitude, vers fin juin. Plus moyen de chômer : il y a besoin des deux parents pour apporter les repas des petits : 60 services à l'heure, c'est encore pire qu'à la cantine scolaire… De temps en temps, à bout de forces, les adultes s'accordent un moment de pause : vivement que les gamins se barrent, qu'on soit un peu tranquilles !

On y arrive enfin : il aura fallu un bon mois pour que l'aîné se décide enfin à remonter vers l'entrée du terrier, et à s'élancer dans le vide. Oui mais… les petits volent, s'amusent à trucider des abeilles et des libellules, mais n'ont pas encore compris que c'est de ces insectes qu'il doivent se nourrir. Les parents se laissent faire, aidés d'un ou deux autres oiseaux, et continuent à alimenter une semaine, puis deux, puis trois… et puis, terminé. Il y en a marre. On est fin juillet, que les jeunes se débrouillent. D'ailleurs, il est bientôt temps de rentrer vers l'Afrique.

Enfin une bonne année… cinq des six jeunes vont pouvoir migrer avec leurs parents. Le dernier ? On ne l'a plus revu depuis sa première sortie. Tant pis : les années précédentes, le mauvais temps avait éliminé la plupart des jeunes… Et ce, partout dans la colonie. Bon, c'est vrai aussi que le Guêpier est un peu difficile : il n'accepte que les Insectes, et préfère ne rien manger s'ils ne sortent pas. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que le Guêpier repart vers le Sud dès la mi-août : pas question d'attendre qu'il n'y ait plus une seule libellule de sortie.

Bon, il est temps de rentrer. Le beau-frère vous a bien eu : vous protestiez contre cette sortie inopinée, dans un des coins les plus banals du département… Et maintenant vous ne voulez plus repartir, captivé par les incroyables couleurs de ces oiseaux. Oui mais… on a déjà remarqué votre absence, à l'anniversaire de tonton Robert…

Fiche signalétique Guépier d'Europe Merops apiaster (Linné) Monotypique. Surnom : - "chasseur d'Afrique" Ordre : - Coraciiformes Dimensions : - Longueur : 25 cm - Envergure : 40 cm Poids : - de 50 grammes DETERMINATION Critères propres aux Guêpiers : Oiseaux très colorés, vivant dans des milieux largement ensoleillés, et nécessitant des températures élevées. Reconnaissables à leurs ailes triangulaires, leur queue effilée terminée par une pointe, ainsi que leur bec, long et fort, permettant la capture de gros insectes. Ce ne sont pas des Passereaux !

Critères de reconnaissance du Guêpier d'Europe : Plumage : Particulièrement coloré. Femelle : Globalement marron, avec le croupion blanc, très visible. Nombreuses rayures sur les ailes, plus grossières que chez la femelle de Busard cendré. Le jeune a un plumage similaire. Dessous bleu, la couleur variant du bleu clair au bleu vert en fonction de l'éclairage. Bavette jaune avec un fin collier noir. Large masque noir, œil rouge. Les rémiges primaires sont bleu-vert, avec de larges pointes noires. Les secondaires sont brun-roux, sombres. Le manteau est brun clair, presque doré. Rectrices sombres. Nid : Terrier ovale, d'un mètre de profondeur, creusé sur une falaise sableuse (carrière, bord de rivière…). Généralement, plusieurs terriers sont creusés par un même couple, le meilleur étant ensuite sélectionné. Ponte : 6 œufs, couvés pendant 3 semaines. La mortalité est assez forte, il est rare que tous les jeunes s'envolent. Les jeunes s'envolent après 4 semaines. Bien souvent, dans les colonies les plus nordiques, les nichées sont décimées par de mauvaises conditions climatiques, mais aussi par l'action de prédateurs comme les renards, ou par les activités humaines. Régime alimentaire : Insectivore. Beaucoup de Libellules, Abeilles, Guêpes, Frelons (etc), capturés en vol, puis tués au perchoir. Dans le cas des Insectes à venin, le Guêpier saisit sa proie par l'abdomen, puis frotte l'aiguillon sur une branche jusqu'à en faire sortir le venin (qui semble cependant ne pas affecter l'oiseau en cas de piqûre accidentelle). Migration : Le Guêpier arrive en France vers la mi-mai, et en repart dès le 10 août. Il hiverne dans les steppes du Kenya et de l'Angola, ainsi qu'en Côte d'Ivoire, Gambie, … En France, des colonies sont présentes depuis une cinquantaine d'années en Camargue. D'autres plus récentes existent en Bretagne (Finistère Sud), Ile de France (forêt de Fontainebleau), voire plus au Nord.