C'est le genre de piaf auquel on ne fait jamais attention. Pourtant, il est là, chaque matin, toujours sur le même roseau, en bordure de cette petite mare qui borde la départementale. Il est vrai qu'en hiver, le Bruant des roseaux n'a rien de bien remarquable : de la taille d'un moineau, un gros bec de granivore, un dos brun strié de noir, un ventre beige pâle… Bon, un piaf, quoi.
Au printemps, c'est tout autre chose : notre boule de plume brune est devenue un très distingué passereau à calotte et bavette noire, élégamment ornées d'une moustache et d'un faux-col blanc… Le Bruant a troqué son vieux manteau brun contre une magnifique jaquette ocre à rayures, et une chemise blanc cassé. Et madame ? Plus discrète, elle préfère à la cagoule noire un large sourcil gris sombre sur fond marron sombre… Et, adepte elle aussi des rayures, elle a choisi une tenue largement striée de noir, sur fond de ventre blanc et d'ailes marron clair.
Voilà pour la photo d'identité… Entrons maintenant, en toute indiscrétion, plus profondément dans la vie privée de ce couple qui niche, comme tout Bruant des roseaux qui se respecte, dans le vieux saule qui borde la zone humide.
Dès mi-mars, monsieur, persuadé d'être un musicien hors pair, vocalise : guère convaincant… une série de notes arrangées de manière plutôt rudimentaire,
un peu agaçante pour l'observateur, ainsi que pour la demoiselle tant convoitée… ce qui entraîne, dans les semaines qui suivent, quelques accrochages, dont l'issue est un peu téléphonée : les deux oiseaux finissent dans le même nid, une coupe de brindilles et branchages presque à ras du sol… Et tout cela aboutit à une portée de 4 ou 5 poussins, qui ne tardent pas à fuguer vers d'autres horizons. Il est vrai que les parents ne sont guère attentifs, et bien peu imaginatifs, ne serait-ce que pour le menu : insectes, insectes, insectes et encore insectes, avec de temps en temps un mollusque pour changer. Charmant.
C'est ainsi que, dès fin juin, nos Bruants ont disparu de la roselière et du vieux saule, laissant le marais aux Rousserolles et la départementale aux voitures. Car ces passereaux sont migrateurs : le Bruant des roseaux qui hivernait là cet hiver n'est sans doute pas le père de la nichée du printemps, mais un autre individu plus nordique. Que les piafs sont compliqués…