LE TORCOL FOURMILIER

Dimanche matin. Le parking du supermarché est complètement noyé dans le brouillard, à tel point que l'on ne voit même pas la friche qui s'étend de l'autre côté de la route, à cinquante mètres. Un matin d'hiver tout à fait classique, quoi.

Un petit cri dissyllabique émerge de la mélasse : la Bergeronnette grise, habituée des lieux, est là. Elle se pose près d'une rangée de caddie, et se promène, en sautillant, sur le bitume. Nouveau cri, elle s'envole, et se repose sur le gazon qui borde la route. C'est amusant à suivre, une Bergeronnette : ça court en ligne droite, s'arrête brusquement, repart, un lombric dans le bec, puis s'envole. En l'air, son vol est onduleux, et assez imprévisible. Elle suit une ligne droite sur quelques dizaines de mètres, change brusquement de trajectoire, revient, tombe et se pose… C'est alors qu'on peut détailler son plumage. Le manteau est généralement gris clair, les joues blanches avec une calotte et une gorge noires qui disparaissent presque entièrement en hiver. La Bergeronnette grise possède aussi une queue démesurée, qui reste parfaitement dans l'axe du corps, sauf lorsque l'oiseau est agité.

La Bergeronnette grise du supermarché n'est en fait pas seule : le soir, à la lueur des réverbères, plusieurs dizaines d'oiseaux se rassemblent sur le toit de la station service pour passer la nuit : le dortoir rassemble peut-être la moitié des Bergeronnettes qui parcourent la ville pendant la journée. En plein midi, on croirait des Passereaux solitaires, qui passent leur temps à parcourir les pelouses des parcs municipaux en traquant les vers ; mais à la nuit tombée, ce sont des oiseaux nerveux, bruyants, voire même teigneux et bagarreurs. La troupe de Bergeronnettes qui se dirige vers le dortoir n'a rien en commun avec les vols harmonieux d'Etourneaux : bien au contraire, ce sont des petits groupes de trois ou quatre oiseaux qui se poursuivent, se volent dans les plumes, atterrissent les uns sur les autres avant de se renvoler pour de nouvelles poursuites.

Le matin, le dortoir s'éparpille. De nombreuses Bergeronnettes choisissent la solitude et vont vadrouiller en centre ville, d'autres préfèrent former de petits groupes qui fouinent dans les labours tout proches, ou dans les friches de la zone industrielle. Parfois, une Bergeronnette de Yarrell, noire et blanche, se joint à la troupe pour quelque temps, avant de rentrer vers l'Angleterre, où elle niche. D'ailleurs, dans le dortoir, bien peu d'oiseaux sont vraiment sédentaires ; la plupart choisissent de nicher sur les berges des rivières ou des étangs, éventuellement dans les prairies à bétail : on les voit alors fréquemment, l'automne venu, former de petits groupes qui suivent les vaches en gobant mouches et autres insectes.

a Bergeronnette grise, c'est encore un de ces piafs qui font partie du quotidien des citadins. Et pourtant, elle passe inaperçue, tout comme son cri, qui , bien que puissant et caractéristique, n'intrigue personne. Sauf un ornithologue qui, sortant du supermarché, s'est un jour arrêté deux minutes pour suivre ses évolutions dans la brume du mois de décembre.







Fiche signalétique

LA BERGERONNETTE GRISE




Motacilla alba ( Linné)

Polytypique
En France, on rencontre principalement M. a. alba. La sous-espèce yarrellii (Bergeronnette de Yarrell) est cependant assez présente dans le Nord et l'Ouest, surtout en hiver.


  • Surnoms :

    - Hochequeue gris pour sa manière de balancer continuellement la queue
    - Lavandière grise : du à sa présence au bord des rivières et lavoirs d'autrefois

  • Famille :

    - Motacillidés

  • Dimensions :
  • - Longueur : 20 cm

  • Poids :
  • - de 20 à 30 grammes




DETERMINATION


  • Critères propres aux
    Bergeronnettes
    :


    • Passereaux de taille moyenne, effilés, à longue queue.
    • Ils possèdent un bec fin qui traduit leur régime alimentaire, principalement Insectivore.
    • Cri typique, assez puissant, mono ou dissyllabique.




    Caractéristiques :

    • d'une langue filiforme
    • En général, il se déplace à faible hauteur, sur des distances plutôt courtes.







     La Bergeronnette grise est l'oiseau national de la Lettonie.

  • Critères de reconnaissance
    des Bergeronnette grise et B. de Yarrell :


    • Plumage :

      • Le manteau est gris plus ou moins foncé, noir chez la B. de Yarrell.
      • En plumage nuptial, le mâle possède une large gorge noire et une calotte noire qui subsiste partiellement en hiver.
      • L'aile est noire, avec des liserés blancs bien visibles.
      • La queue, longue, est noire, les rectrices externes blanches.
      • Les pattes sont noires.
      • En vol, l'oiseau apparaît effilé et la longue queue est bien visible ; vol onduleux aux changements de trajectoire brusque.


    • Nid :

        • Cuvette de mousses et brindilles, de dimensions variables, placée dans une cavité (trou d'arbre, de rocher, toit de maison…)

    • Ponte :

      • En général 5 ou 6 œufs couvés pendant deux semaines, à partir du début d'avril.
      • Les jeunes s'envolent deux semaines après l'éclosion, et restent aux abords du nid.
      • A l'automne, ils forment de petits groupes qui subsisteront jusqu'au début de l'hiver.
      • Une deuxième ponte a lieu en début juin.

    • Régime alimentaire :

      • Principalement petits insectes, mais aussi araignées et vers

    • Cri :

      • Cri dissyllabique et puissant, typique des Motacillidés, généralement poussé en vol.

    • Migration :

      • Les populations nordiques migrent vers la France et l'Europe méditerranéenne.
      • Une plus faible proportion hiverne en Afrique centrale.
      • Pendant l'hiver se forment des dortoirs, de dimensions variables (souvent plus de trente individus), souvent en pleine ville (gares, squares etc…).


Bibliographie
Géroudet P. et Cuisin M., Les Passereraux d'Europe,T1, Delachaux et Niestlé
Pierre Cabard et Bernard Chauvet, L'Etymologie des noms d'oiseaux



Jean-Yves Barnagaud