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LE HIBOU DES MARAIS
Un matin d'hiver, au milieu d'une de ces grandes friches qui se dessinent çà et là au milieu de la plaine cultivée. Il fait froid, un peu humide, mais le ciel est d'un bleu bien transparent. Soudain, un oiseau clair surgit d'une touffe d'herbe, s'élance dans le ciel, décrit quelques cercles et s'éloigne à travers champ. Les ailes arrondies, l'aspect trapu, le plumage pâle et le vol souple : c'est sans conteste un Rapace nocturne… En plein jour ?
C'est comme ça chez le Hibou des marais : on chasse aussi bien de jour que de nuit. Contrairement à nombre de ses cousins, il préfère la plaine aux forêts denses, et, l'hiver du moins, la compagnie à la solitude. Car l'oiseau qui vient de s'envoler n'est pas seul : deux, puis trois autres l'ont rejoint : c'est un véritable dortoir qui a élu domicile dans cette prairie. Les quatre Hiboux chassent, d'un vol léger quoique de trajectoire hésitante. On dirait qu'ils n'arrivent pas à choisir leur proie : Mulot, Campagnol, Etourneau ? Ce sera Campagnol : l'un des Rapaces tombe à la verticale, capture sa proie et s'affaire à la déchiqueter. Tant pis pour ses congénères, qu'ils aillent chercher ailleurs.
C'est quand même assez impressionnant, un Hibou des marais. Le dos fauve, largement écaillé de noir, le ventre blanc cassé, une tête bien ronde où les deux aigrettes se dessinent à peine ; mais surtout ce masque facial, d'une blancheur fantomatique, avec, incrusté sur fond de lunettes noires, deux yeux jaunes perçants que l'on n'ose pas regarder en face. Déjà l'oiseau se redresse, jette un coup d'œil farouche autour de lui, puis, constatant qu'il est seul, repart en quête de la suite du repas. Il peut aller loin, comme ça : rien ne le retient ici, à vrai dire, si ce n'est ses camarades de dortoir.
Le Hibou des marais, c'est un peu un vagabond. Il n'hiverne jamais au même endroit : parfois, il y en a dix ensemble ; l'hiver suivant il n'y en a plus. Même la nidification est aléatoire, et reste très liée aux fluctuations des proies. Pourtant, les Hiboux tiennent à leur territoire, et ne supportent aucun visiteur, même de passage, près de l'aire. Laquelle n'est pourtant pas d'une extrême recherche : une litière de brindilles, et ça suffit comme ça. Mais elle contient les œufs, soigneusement couvés par la femelle pendant trois semaines, et rigoureusement protégés par le mâle… Ceci dit, ces Rapaces ne sont pas très prévoyants, et choisissent infailliblement comme site de nidification, une tourbière ou un marais prêt à disparaître sous les pluies printanières… L'éclosion des jeunes reste une question de chance et de météorologie !
D'ailleurs, on ne peut pas dire que la progéniture s'attarde beaucoup dans ce lieu malsain. A deux semaines, les jeunes quittent le nid et s'éparpillent sur le territoire, donnant bien des difficultés aux parents qui les nourrissent : une boule de plumes brunes n'est pas facile à repérer au milieu des hautes herbes d'un marais : d'ailleurs, ça protège aussi des prédateurs… Pour peu que l'un de ces petits Hiboux soit surpris par un intrus, il gonfle son plumage en chuintant, et n'hésite pas à jouer des griffes pour se défendre.
Au bout de cinq semaines, les jeunes volent et sont presque autonomes. Ils partent alors vagabonder en suivant leurs proies, ce qui peut les mener loin, et à vrai dire un peu n'importe où. Mais quand revient l'automne, la plupart des Hiboux des marais choisissent de descendre vers le Sud, l'Europe de l'Ouest ou même parfois l'Afrique.
Fiche signalétique
Hibou des marais
Asio flammeus
du latin Flammeus qui " de flamme " qui met en valeur a couleur fauve pâle
- Anciennement appelé Hibou brachyote
du grec brachus (court) et ôtus (cf. Asio otus) signalant ses aigrettes peu ou pas visibles
Monotypique.
DETERMINATION
- Critères propres aux Strigidés :
- Rapaces de taille moyenne
- généralement nocturnes (le Hibou des marais fait exception).
- Equipés pour une vision nocturne parfaite, ils possèdent souvent des yeux surdimensionnés, placés au milieu d'un disque facial plus ou moins marqué.
- De loin, en vol, ils apparaissent comme de grands oiseaux aux ailes arrondies, plus ou moins digitées, et au vol calme, éventuellement un peu hésitant.
- Posés, ils sont très difficiles à repérer, du fait de leur plumage brun, gris ou fauve écaillé de noir, qui leur confère un mimétisme parfait avec leur environnement.
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- Critères de reconnaissance du Hibou des marais :
- Plumage :
- Large disque facial bien marqué, avec deux gros yeux jaunes cerclés de noir.
- Tête ronde, aigrettes peu marquées mais présentes (d'où l'appellation " Hibou ").
- Dessous blanchâtre, peu rayé, bon critère d'identification en vol.
- Rémiges tirant vers le roux, largement barrées ; le reste du dessus est globalement fauve à roux, écailleux.
- Le dessous des ailes apparaît plutôt uni et clair.
- Nid (aire) :
- Parfois inexistant, se compose d'une litière de brindilles posées à même le sol, sur des tourbières, des marécages ou des prairies humides.
- Ponte :
- De 5 à 10 œufs selon les ressources alimentaires.
- Ils sont couvés pendant trois semaines.
- Dès l'âge de deux semaines, les petits sortent du nid et s'éparpillent sur le territoire.
- A cinq semaines, ils sont autonomes et partent vagabonder.
- Régime alimentaire :
- Surtout rongeurs, occasionnellement oiseaux et Arthropodes
- Voix :
- Peu loquace
- dérangé, peut faire entendre des chuintements ou des croassements.
- Le chant, surtout entendu au crépuscule, est une strophe sourde de sons répétés lentement, typique d'un nocturne
- Migration :
- • Au Sud et dans le Centre de la France, les Busards Saint Martin sont généralement erratiques.
- • Certains individus migrent, d'autres sont sédentaires.
- • Dans le Nord, ils sont beaucoup plus mobiles et descendent largement vers le Sud, dès fin août.
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Bibliographie
• Géroudet P. et Cuisin M., Les Rapaces d'Europe, Delachaux et Niestlé
• Pierre Cabard et Bernard Chauvet, L'étymologie des noms d'oiseaux, Ed. Belin (Eveil nature)
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Jean-Yves Barnagaud
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