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LE FAUCON CRECERELLE
Il y a des oiseaux que l'on remarque tout de suite. Le Martinet, grand arc noir qui siffle en rasant les toits, dans le ciel de mai. Le Pigeon ramier et ses roucoulements sur l'antenne de la maison. Le Goéland argenté, et sa fâcheuse habitude à venir vous soutirer votre repas, les jours de promenade en bord de mer.
Et puis il y a aussi cet excité, espèce d'hélicoptère à plumes qui s'obstine à voler en surplace au bord de la nationale. De temps en temps, il se laisse tomber dans les hautes herbes puis remonte, et reprend son manège jusqu'à capturer un mulot suicidaire ou imprudent. A pleine charge, notre curieux aéronef se pose un peu plus loin, sur un poteau électrique. On va enfin pouvoir le détailler un peu.
Joli, l'hélico. Des ailes ocre à rémiges noires, qui contrastent joliment sur une chemise blanc cassé tachetée de virgules noires. Une calotte grise, coupée par une moustache négligée comme se doit de posséder tout bon jardinier. Un court bec crochu, qui trucide joyeusement le mulot emprisonné dans des serres d'un jaune vif… La photo en reste là : sentant votre présence, le rapace s'envole, dévoilant une longue queue grise à bout noir, et surtout des ailes pointues qui lui donnent une silhouette effilée bien caractéristique. Bon, mais c'est quoi, son nom ?
Vous avez encore oublié de rendre le " Svensson " au beau-frère. Tant mieux, on va en profiter pour l'ouvrir sur les planches " Rapaces ". Un Vautour ? Evidemment non. Une Buse ? Guère plus. Un Aigle ? Pas du tout. Un Epervier ? Ca y ressemble un peu, mais les couleurs ne collent pas. Et vous voilà à la page des faucons : il y en a deux qui collent : tout d'abord le Faucon crécerellette… Ouais, enfin, sa carte de répartition le donne comme un oiseau strictement Méditerranéen, et rare de surcroît. Pourtant, le piaf que vous cherchez est commun dans votre cher patelin du Pas-de-Calais. Et voilà, vous avez la solution : l'hélicoptère à plume anti-mulot est un Faucon crécerelle.

Le Faucon crécerelle… Réflexion faite, ça fait pas si longtemps qu'il fréquente les bords de route autour de chez vous : la première fois que vous l'avez vu, c'était… peut-être il y a une vingtaine d'années. Et ce n'est que depuis 10 ans qu'il fait partie intégrante de votre trajet quotidien vers le bureau. Evidemment, un rapace… Il y a encore une trentaine d'année, le bec crochu suffisait à se prendre une volée de plomb pour " massacre de Perdrix " ou " enlèvement de lièvres ". Le Faucon crécerelle, 200 grammes, 80 centimètres d'envergure, enlever des lièvres ??? Des Campagnols, oui. Des souris, aussi ; des taupes, quelques insectes pour l'apéro. Parfois, une Chauve-souris en digestif. Un véritable raticide naturel, doublé d'un efficace insecticide : si le vieux Léon savait ça, il installerait sans attendre des nichoirs pour recevoir notre crécerelle sur la parcelle de blé qu'il s'acharne encore à cultiver.
Et voilà. Maintenant, l'hélico à plume est devenu un Faucon crécerelle. Plus sympathique, comme nom, pas vrai ? D'ailleurs, avouez que l'oiseau lui-même est assez sympa à observer.
Fiche signalétique
Faucon crécerelle
Falco tinnunculus (Linné) Monotypique, au moins en Europe.
- Critères propres aux Faucons :
- Rapaces de tailles variables, allant d'une cinquantaine de centimètres à plus d'un mètre.
- Effilés, taillés pour un vol rapide, capables de piquer sur des proies à des vitesses impressionnantes.
Ailes pointues, triangulaires et plutôt étroites, queue souvent longue.
- Bec de petite taille, fortement crochu, permettant de lacérer les proies, souvent des petits rongeurs, passereaux, insectes.
- Les Faucons ont colonisés tous les milieux, y compris le milieu urbain.
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- Critères de reconnaissance du Faucon crécerelle :
- Plumage :
- Mâle : couvertures alaires ocres, voire rousses, tachetées ; rémiges noires. Poitrine blanc cassé, finement tachetée. Tête gris-bleu, avec une moustache assez peu marquée, et léger sourcil. Dessous des ailes blanc, tacheté de noir.
- Femelle : Tête gris pâle rayée, couvertures alaires rousses plus pâles que le mâle, rémiges plus pâles. Les jeunes sont assez similaires.
- Nid (aire) :
- Généralement sur des corniches, des bâtiments (immeubles, clochers), pylônes électriques, arbres (peupliers…). Ces Faucons acceptent les nichoirs spécialisés
- Ponte :
- Nombre variable d'œufs, de 3 à 7 œufs.
- La femelle couve presque seule, le mâle étant occupé à la chasse.
- Les jeunes éclosent après 1 mois , et sont près à l'envol après 25 jours (quoiqu'ils soient capables de se nourrir seuls au bout de 2 semaines). Même volants, les jeunes ne sont pas autonomes, et l'apprentissage de la chasse peut prendre 2 à 3 mois.
- Régime alimentaire :
- Beaucoup de rongeurs, notamment des campagnols, des mulots, souris, quelques taupes.
- Les Faucons crécerelles consomment aussi des insectes, et des Chauves-souris.
- Voix :
- Le plus souvent, un " kikikikiki " sonore typique des Faucons.
- Migration :
- Sédentaire en France, mais les oiseaux nordiques sont migrateurs.
- Les jeunes sont surtout erratiques, mais, en hiver, se concentrent en majorité au Sud de l'isotherme 0°C, et jusqu'en Afrique centrale.
- Anecdote :
- Le faucon crécerelle possède selon des chercheurs finlandais, la faculté étonnante de voir dans l'ultraviolet, ce qui lui donne son efficacité redoutable dans la chasse des campagnols. Les marqueurs odorants de ces rongeurs (urine, excréments) absorbent, en effet, les ultraviolets. Il ne reste plus au Crécerelle qu'à repérer ces traces pour choisir le lieu de chasse.
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Bibliographie
• Géroudet P. et Cuisin M., Les Rapaces d'Europe, Delachaux et Niestlé
• Guide vert, "Les Oiseaux de France", Solar.
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Jean-Yves Barnagaud
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